La querelle de la chaise « laide » du pape est pathétique : ce qui compte, c’est ce qu’il dit, pas l’endroit où il s’assied
On janvier 3, 2022 by adminDans un monde de guerre et de souffrance où les réfugiés meurent et où les gouvernements manquent à leurs devoirs humains, il est vraiment étrange de se fâcher à propos d’une chaise. Mais les gens se sont fâchés à propos du trône en bois ordinaire avec un rembourrage blanc que la communauté catholique de New York a commandé pour le pape François. Apparemment, c’est un péché contre le bon design, une honte pour l’arrière-train papal.
Est-ce vraiment le cas ? Ou la simplicité de cette chaise, voire sa « laideur » si l’on peut dire, n’est-elle qu’une expression du manque de prétention et de l’engagement de compassion du pontife ?
L’indice est dans le nom qu’il a pris. Le pape François s’est donné le nom de François d’Assise, le prédicateur médiéval de la pauvreté et de l’humilité. Associons-nous saint François à des trônes somptueux et à des parures sédentaires ? Non. Il est célèbre pour avoir prêché aux oiseaux, parlé à un loup et rejeté les richesses terrestres. Giotto l’a représenté comme un ascète dans un désert rocheux sans rien qui ressemble à un trône en vue.
L’idée d’un trône – un siège de pouvoir, un siège de gloire – est aussi médiévale que Saint François mais elle représente tout ce contre quoi il s’est élevé : la richesse de l’église et la puissance des grands.
L’image la plus familière d’un trône aujourd’hui est une concoction médiévale monstrueuse qui pue la cruauté et la violence. Les familles en conflit et les lignées maléfiques dans le drame Game of Thrones de HBO sont toutes en compétition pour s’asseoir sur le trône de fer. Cette chaise maléfique est faite d’armes fondues par le souffle d’un dragon. Elle est hérissée de pointes d’épées. Les critiques du trône ordinaire et sans distinction du pape préféreraient-ils qu’il s’assoie sur quelque chose comme cette grotesque incarnation du pouvoir ?
Les concepteurs du Trône de fer ont sûrement été inspirés par le Trône d’armes, qui appartient au British Museum. Ce siège royal a été réalisé par l’artiste mozambicain Kester à l’aide de fusils AK47 et d’autres armes à feu laissées par la guerre civile au Mozambique. Forgé en 2001 (sans l’utilisation du feu du dragon pour autant que je sache), il est devenu l’une des créations artistiques les plus célèbres de l’Afrique contemporaine.
Vraisemblablement, l’équipe de conception de Game of Thrones l’a vu et a eu l’idée de créer une version médiévale avec des épées au lieu de fusils. Pourtant, les deux sculptures – car telles qu’elles sont – sont des parodies du trône traditionnel. Nous ne sommes plus à une époque où l’on vénère le trône. Nous croyons en l’égalité humaine (ou prétendons le faire).
Les trônes sont l’expression de tout ce que l’âge moderne fait, et devrait, abhorrer. Le pape François a raison de se sentir gêné par la pompe sédentaire, et la décision de New York de lui créer un siège humble, sans distinction, voire sans attrait, est une expression compréhensible de ce même malaise face aux sièges huppés.
Les trônes dorés conventionnels sont une blague de nos jours. Bradley Wiggins a posé dans l’un d’eux. Posh et Becks ont outragé le bon goût avec leurs « trônes de mariage ». Mais une croyance sérieuse dans les trônes appartient à un passé qui – littéralement – a intronisé l’inégalité.
Le trône d’armes de Kester commente la tradition africaine d’investir les sièges de symboles. Les souverains en Afrique se sont longtemps distingués par des sièges spéciaux, des tabourets sculptés aux chaises complexes.
En Europe aussi, le trône est un ancien marqueur d’autorité. C’est notamment le cas de l’endroit où le pape pose ses fesses. Lorsque le pape parle « ex cathedra », cela signifie qu’il fait une prononciation depuis son trône. Un ordre ex cathedra vient directement du siège papal. En latin, cathedra signifie le siège d’un professeur, et a fini par désigner un trône ecclésiastique. Une cathédrale est une église où un évêque a son trône.
Le trône le plus glamour du monde flotte dans un ciel doré à Saint-Pierre, la basilique papale au Vatican. Il s’agit de la Chaire de Saint Pierre, une relique encastrée par le Bernin au XVIIe siècle dans du bronze doré et placée dans les hauteurs parmi des rayons de lumière métallique dorée et des putti grouillants. Le chef-d’œuvre baroque du Bernin affirme la majesté de l’église et la gloire du pape.
C’est étonnant. Mais c’est aussi profondément embarrassant pour un pape moderne et réformateur. Les détracteurs du fauteuil new-yorkais du pape aimeraient-ils vraiment le voir trôner dans une gloire dorée dans un spectacle du Bernin ? Quelle absurdité.
Il est pathétique de rager contre le siège que New York a fait pour le pape. Ce qui compte, ce n’est pas l’endroit où François repose son corps mais ce qu’il dit avec son esprit généreux. A New York, il a parlé de la pauvreté et du changement climatique. C’est un pape qui fait bien plus que s’asseoir. Oubliez le trône. Ecoutez le message.
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