Jean de La Fontaine
On octobre 30, 2021 by adminPremières annéesEdit
La Fontaine est né à Château-Thierry en France. Son père était Charles de La Fontaine, maître des eaux et forêts – une sorte de garde forestier adjoint – du duché de Château-Thierry ; sa mère était Françoise Pidoux. Les deux côtés de sa famille appartenaient à la plus haute bourgeoisie provinciale ; sans être noble, son père était assez riche.
Jean, l’aîné, fit ses études au collège (grammaire) de Château-Thierry, et, à la fin de sa scolarité, entra à l’Oratoire en mai 1641, et au séminaire de Saint-Magloire en octobre de la même année ; mais un très court séjour lui prouva qu’il s’était trompé de vocation. Il étudia alors, semble-t-il, le droit, et aurait été admis comme avocat.
Vie familialeModifier
Il fut cependant installé dans la vie, ou du moins aurait pu l’être, un peu tôt. En 1647, son père résigna son rang en sa faveur, et arrangea pour lui un mariage avec Marie Héricart, une fille de quatorze ans, qui lui apporta 20 000 livres, et des espérances. Elle semble avoir été à la fois belle et intelligente, mais les deux ne s’entendaient pas bien ensemble. Il semble qu’il n’y ait absolument aucun fondement au vague scandale concernant sa conduite, qui a été, pour la plupart, soulevé longtemps après par des ragots ou des ennemis personnels de La Fontaine. Tout ce que l’on peut dire avec certitude à son sujet, c’est qu’elle était une femme au foyer négligente et une lectrice de romans invétérée ; La Fontaine lui-même était constamment absent de la maison, n’était certainement pas strict en matière de fidélité conjugale et était un si mauvais homme d’affaires que ses affaires se sont retrouvées dans une situation désespérée et qu’une séparation de biens a dû avoir lieu en 1658. Il s’agit d’une transaction parfaitement amicale pour le bien de la famille ; cependant, peu à peu, les deux époux, toujours sans querelle réelle, cessent de vivre ensemble, et pendant la majeure partie des quarante dernières années de la vie de de la Fontaine, il vit à Paris tandis que sa femme demeure à Château Thierry, où il se rend toutefois fréquemment. Un fils leur est né en 1653, qui fut éduqué et soigné entièrement par sa mère.
ParisEdit
Même dans les premières années de son mariage, La Fontaine semble avoir beaucoup fréquenté Paris, mais ce n’est que vers 1656 qu’il devient un visiteur régulier de la capitale. Les devoirs de sa charge, qui n’étaient qu’occasionnels, étaient compatibles avec cette non-résidence. Ce n’est qu’après avoir dépassé la trentaine que sa carrière littéraire commence. La lecture de Malherbe, dit-on, éveilla d’abord en lui des fantaisies poétiques, mais pendant quelque temps il ne tenta que des bagatelles à la mode de l’époque – épigrammes, ballades, rondeaux, etc.
Sa première œuvre sérieuse fut une traduction ou adaptation de l’Eunuque de Térence (1654). A cette époque, le patron de l’écriture française était le surintendant Fouquet, à qui La Fontaine fut présenté par Jacques Jannart, une relation de sa femme. Peu de gens qui font leur cour à Fouquet repartent les mains vides, et La Fontaine reçoit bientôt une pension de 1000 livres (1659), aux conditions faciles d’une copie de vers pour chaque quart de recette. Il commença aussi un pot-pourri de prose et de poésie, intitulé Le Songe de Vaux, sur la célèbre maison de campagne de Fouquet.
C’est vers cette époque que les biens de sa femme durent lui être assurés séparément, et il semble avoir dû, par degrés, vendre tout ce qu’il possédait ; mais, comme il n’a jamais manqué de puissants et généreux mécènes, cela lui importait peu. La même année, il écrivit une ballade, Les Rieurs du Beau-Richard, suivie de nombreuses petites pièces de poésie de circonstance adressées à divers personnages, depuis le roi jusqu’au plus bas. Fouquet tombe en disgrâce auprès du roi et est arrêté. La Fontaine, comme la plupart des protégés littéraires de Fouquet, lui témoigna une certaine fidélité en écrivant l’élégie Pleurez, Nymphes de Vaux.
À cette époque, ses affaires ne s’annonçaient pas sous un jour favorable. Son père et lui avaient pris le titre d’écuyer, auquel ils n’avaient pas strictement droit, et, certains anciens édits à ce sujet ayant été mis en vigueur, un informateur procura une sentence contre le poète lui infligeant une amende de 2000 livres. Il trouva cependant un nouveau protecteur dans le duc et plus encore dans la duchesse de Bouillon, ses supérieurs féodaux à Château-Thierry, et on n’entend plus parler de l’amende.
Certains des vers les plus vifs de La Fontaine sont adressés à la duchesse Marie Anne Mancini, la plus jeune des nièces de Mazarin, et il est même probable que le goût du duc et de la duchesse pour l’Arioste ait été pour quelque chose dans la rédaction de son premier ouvrage de réelle importance, le premier livre des Contes, qui parut en 1664. Il avait alors quarante-trois ans, et ses productions imprimées antérieures avaient été comparativement insignifiantes, bien qu’une grande partie de son œuvre ait été transmise en manuscrit longtemps avant d’être régulièrement publiée.
FameEdit
C’est vers cette époque que se forma le quatuor de la rue du Vieux Colombier, si célèbre dans l’histoire littéraire française. Il se composait de La Fontaine, Racine, Boileau et Molière, dont le dernier avait presque le même âge que La Fontaine, les deux autres beaucoup plus jeunes. Chapelain était aussi une sorte d’outsider dans la coterie. Il existe de nombreuses anecdotes, dont certaines sont manifestement apocryphes, sur ces réunions. La plus caractéristique est peut-être celle qui affirme qu’il y avait toujours sur la table un exemplaire de la malheureuse Pucelle de Chapelain, dont un certain nombre de lignes était la sanction prévue pour les infractions à la société. La coterie fournissait sous des noms feints les personnages de la version de La Fontaine de l’histoire de Cupidon et Psyché, qui, cependant, avec Adonis, ne fut imprimée qu’en 1669.
Pendant ce temps, le poète continuait à trouver des amis. En 1664, il fut régulièrement commissionné et assermenté comme gentilhomme de la duchesse douairière d’Orléans, et fut installé au Luxembourg. Il conserva son rang et, en 1666, nous avons une sorte de réprimande de Colbert lui suggérant d’examiner certaines malversations à Château Thierry. La même année parut le deuxième livre des Contes, et en 1668 les six premiers livres des Fables, avec d’autres des deux genres en 1671. Cette dernière année, un curieux exemple de la docilité avec laquelle le poète se prêtait à toute influence fut fourni par le fait qu’il officia, à l’instance des Port-Royalistes, comme rédacteur d’un volume de poésies sacrées dédié au prince de Conti.
Un an après, sa situation, qui avait été pendant quelque temps décidément florissante, donna des signes de changement très mauvais. La duchesse d’Orléans mourut et il dut apparemment renoncer à son rang, le vendant probablement pour payer des dettes. Mais il y a toujours une providence pour La Fontaine. Madame de la Sablière, une femme d’une grande beauté, d’une puissance intellectuelle considérable et d’un caractère élevé, l’invite à s’installer dans sa maison, où il vit pendant une vingtaine d’années. Il semble n’avoir eu aucun souci de ses affaires par la suite ; et put se consacrer à ses deux lignes différentes de poésie, ainsi qu’à celle de la composition théâtrale.
AcadémieEdit
En 1682, il était, à plus de soixante ans, reconnu comme l’un des premiers hommes de lettres de France. Madame de Sévigné, l’une des plus solides critiques littéraires de l’époque, et nullement portée à louer les simples nouveautés, avait parlé de son second recueil de Fables, publié pendant l’hiver de 1678, comme d’un ouvrage divin ; et il est à peu près certain que telle était l’opinion générale. Il n’était donc pas déraisonnable qu’il se présentât à l’Académie française, et, bien que les sujets de ses Contes ne fussent guère calculés pour propitier cette assemblée décorative, tandis que son attachement à Fouquet et à plus d’un représentant du vieux parti frondeur le rendait suspect à Colbert et au roi, la plupart des membres furent ses amis personnels.
Il fut proposé pour la première fois en 1682, mais fut refusé pour le marquis de Dangeau. L’année suivante, Colbert meurt et La Fontaine est à nouveau proposé. Boileau était également candidat, mais le premier tour de scrutin donna au fabuliste seize voix contre sept seulement pour le critique. Le roi, dont l’assentiment est nécessaire, non seulement pour l’élection mais aussi pour un second tour de scrutin en cas d’échec de la majorité absolue, est mécontent et l’élection reste en suspens. Une autre vacance se produisit cependant quelques mois plus tard, et Boileau fut élu à ce poste. Le roi s’empressa d’approuver ce choix avec effusion, ajoutant : Vous pouvez sans cesse recevoir La Fontaine, il a promis d’être sage.
Son admission fut indirectement la cause de la seule querelle littéraire sérieuse de sa vie. Une dispute eut lieu entre l’Académie et un de ses membres, Antoine Furetière, au sujet du dictionnaire français de ce dernier, qui fut décidé comme une atteinte aux privilèges corporatifs de l’Académie. Furetière, homme d’une grande habileté, s’en prend amèrement à ceux qu’il considère comme ses ennemis, et parmi eux La Fontaine, dont les Contes malheureux l’ont rendu particulièrement vulnérable, son second recueil de ces contes ayant fait l’objet d’une condamnation de police. La mort de l’auteur des Bourgeois romains mit cependant fin à cette querelle.
Peu après, La Fontaine eut sa part dans une affaire encore plus célèbre, la fameuse querelle des Anciens et des Modernes dont Boileau et Charles Perrault furent les chefs, et dans laquelle La Fontaine (bien qu’il eût été spécialement distingué par Perrault pour être mieux comparé à Esope et à Phèdre) prit le parti des Anciens. À peu près à la même époque (1685-1687), il fait la connaissance du dernier de ses nombreux hôtes et protecteurs, Monsieur et Madame d’Hervart, et s’éprend d’une certaine Madame Ulrich, une dame d’une certaine position mais d’un caractère douteux. Cette fréquentation s’accompagna d’une grande familiarité avec Vendôme, Chaulieu et le reste de la coterie libertine du Temple ; mais, bien que Mme de la Sablière se soit depuis longtemps livrée presque entièrement aux bonnes œuvres et aux exercices religieux, La Fontaine resta pensionnaire de sa maison jusqu’à sa mort en 1693. Ce qui s’ensuivit est raconté dans l’une des histoires les plus connues des nombreux récits relatifs à sa nature enfantine. Hervart, apprenant la nouvelle de la mort, s’était immédiatement mis à la recherche de La Fontaine. Il le rencontra dans la rue, très peiné, et le pria de venir chez lui. J’y allais fut la réponse de La Fontaine.
En 1692, l’écrivain avait publié une édition révisée des Contes, bien qu’il ait souffert d’une grave maladie. Cette même année, La Fontaine se convertit au christianisme. Un jeune prêtre, M. Poucet, essaya de le persuader de l’inconvenance des Contes et on dit que la destruction d’une nouvelle pièce fut exigée et soumise comme preuve de repentir. La Fontaine reçut le viatique, et les années suivantes il continua à écrire des poèmes et des fables.
On raconte que le jeune duc de Bourgogne, élève de Fénelon, qui n’avait alors que onze ans, envoya 50 louis à La Fontaine comme présent de son propre mouvement. Mais, si La Fontaine se rétablit pour un temps, il était brisé par l’âge et les infirmités, et ses nouveaux hôtes durent le soigner plutôt que le divertir, ce qu’ils firent avec beaucoup de soin et de bonté. Il travailla encore un peu, achevant notamment ses Fables, mais il ne survécut pas plus de deux ans à Madame de la Sablière et mourut le 13 avril 1695 à Paris, à l’âge de soixante-treize ans. Lorsque le cimetière du Père Lachaise a été ouvert à Paris, la dépouille de La Fontaine y a été transférée. Sa femme lui survécut près de quinze ans.
AnecdotesModifié
Le curieux caractère personnel de La Fontaine, comme celui de quelques autres hommes de lettres, a été enchâssé dans une sorte de légende par la tradition littéraire. Très tôt, son absence d’esprit et son indifférence pour les affaires ont donné un sujet à Gédéon Tallemant des Réaux. Ses contemporains ont contribué à grossir le récit, et le XVIIIe siècle a fini par l’accepter, y compris les anecdotes de sa rencontre avec son fils, à qui il dit qui il est, et qui remarque : « Ah, oui, je croyais l’avoir vu quelque part ! », de son insistance à se battre en duel avec un prétendu admirateur de sa femme, puis à le supplier de lui rendre visite chez lui comme avant ; de son entrée en compagnie avec ses bas à l’envers, &c…, avec, par contraste, celles de sa gaucherie et de son silence, sinon de son impolitesse positive en compagnie.
Il faut rappeler, pour commenter la description défavorable de Jean de La Bruyère, que La Fontaine était un ami et un allié particulier de Benserade, principal ennemi littéraire de La Bruyère. Mais après toutes les déductions, il reste beaucoup de choses, surtout si l’on se souvient que l’une des principales autorités pour ces anecdotes est Louis Racine, un homme qui possédait l’intelligence et la valeur morale, et qui les a reçues de son père, l’ami attaché de La Fontaine pendant plus de trente ans. La plus intéressante de toutes ces histoires est peut-être celle du quatuor du Vieux Colombier, qui raconte comment Molière, alors que Racine et Boileau exerçaient leur esprit sur le bonhomme ou le bon (deux titres sous lesquels La Fontaine était familièrement connu), fit remarquer à un spectateur : Nos beaux esprits ont beau faire, ils n’effaceront pas le bonhomme. Ils n’ont pas.
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