Commentaire sur 2 Rois 2:1-12
On novembre 4, 2021 by adminLe livre des Rois taquine presque les lecteurs au sujet de la succession d’Élie à Élisée.
La question de la succession apparaît pour la première fois en 1 Rois 19:16, et alors que 1 Rois 19:19-21 prétend le début d’un apprentissage d’Élie, le texte indique qu’Élisée fonctionne comme le « serviteur » d’Élie. Pendant une grande partie des chapitres suivants, Élie apparaît seul sans aucune référence à Élisée jusqu’à la scène du départ en 2 Rois 2:1-12.
À bien des égards, la transition semble difficile à matérialiser. La succession a lieu après plusieurs retards dans le récit. Étant donné que les versets 1-7 consistent en grande partie en une scène en trois prises, le dialogue et les événements des versets 8-12 semblent offrir davantage au prédicateur. Pourtant, le contenu émotionnel du refus d’Elisée du départ d’Elie, l’itinéraire à trois arrêts et le détachement d’Elie peuvent offrir de nouvelles perspectives sur un passage bien connu.
La nouvelle du départ d’Elie au ciel par un tourbillon semble connue de tous parmi les corporations prophétiques. Parlé comme étant pris « par-dessus la tête » d’Élisée, le départ d’Élie ressemble à un événement que la communauté prophétique anticipe et admire. Pourtant, la communauté prophétique comprend que plus que le mode de séparation mais le fait d’être séparé de la relation entre le prophète et les « fils » de son cercle prophétique a un impact sur ceux qui restent.
En deux endroits, la communauté prophétique s’enquiert auprès d’Elisée du départ de son maître (versets 3, 5). Le fait qu’Elisée réponde brusquement à cette question reflète moins une disposition revêche qu’un état de tension émotionnelle. Il est clair qu’Élisée aurait préféré que son maître reste. Le fait qu’il s’accroche à Élie pendant qu’ils voyagent peut sembler pathétique, mais révèle l’intimité de leur relation, une relation qui transcende la relation conventionnelle père-fils d’un prophète avec ses élèves (verset 12).
Élie établit un curieux chemin qui retarde son départ dans le passage avec un itinéraire symboliquement révélateur. Si leur point de départ est Gilgal, alors un voyage à Béthel qui retourne à Jéricho pour finir au Jourdain semble inutile, puisque Gilgal se trouve à quelques mètres seulement du Jourdain. Élie suit le chemin emprunté par Josué à son entrée dans le pays. En traversant le Jourdain, Josué campe à Gilgal en y établissant un monument (Josué 4:20-24), en circoncisant un groupe d’hommes et en observant la Pâque (Josué 5:1-12).
L’arrêt à Béthel rappelle non seulement le rôle historique de Béthel dans l’imaginaire religieux des Israélites du Nord mais aussi le rôle central qu’il joue dans les batailles de Jéricho et d’Aï (Josué 6 et 8). L’itinéraire d’Elie imite celui de Josué, mais au lieu d’entrer dans le pays, Elie se prépare à le quitter. La séparation du Jourdain confirme ce lien. Alors que l’Arche d’Alliance accomplit cela pour Josué (Josué 4:8-13), le manteau d’Elie fait reculer les eaux (verset 8).
En parcourant ce chemin, Elie voyage à rebours vers l’Égypte mais plutôt que de retourner en Égypte avec son souvenir d’oppression, le chemin d’Elie le conduit au ciel. Et alors que l’exode se produit avec des signes et des prodiges puissants, le tourbillon et les chars et chevaux enflammés marquent le chemin d’Elie vers le ciel.
Au milieu du drame de la séparation, Elie reste concentré sur son départ. Élisée semble au mieux être une gêne pour Élie. En gérant le besoin d’Elisée, Elie maintient un équilibre entre indulgence et soutien. Il ne cède pas à l’insistance d’Élisée de ne jamais le quitter, ni ne l’amène à penser qu’il est invincible. Alors qu’Élie décrit la demande de départ d’Élisée comme » une chose difficile » (verset 10), il finit par la réaliser.
Cependant, Élisée reçoit sa demande non pas simplement parce qu’Élie la conjure, Élisée participe au mystérieux passage du pouvoir d’un prophète à un autre. Élie convainc son apprenti de sa capacité à naviguer dans le monde des esprits. Élisée voyant l’invisible et percevant la translation d’Élie au ciel marque sa pleine entrée dans les arts de la communauté prophétique (verset 12).
Alors que les interprétations ont tendance à se focaliser sur Élie et Élisée, le passage attire l’attention sur la présence de la communauté des prophètes. Le départ d’Élie les affecte autant qu’Élisée et ils font preuve de solidarité, de connaissance de l’intérieur et témoignent de la continuité de la communauté prophétique. À chaque étape de l’itinéraire, la communauté prophétique varie sa proximité par rapport à Élie et Élisée. De « sortit » (verset 3), à « s’approcha » (verset 5), puis « se tint à quelque distance » (verset 7).
Chaque endroit reflète les diverses positions que la communauté occupe dans les moments de transition et de départ. Alors que les lecteurs modernes se débattent avec les tensions entre le ministère individuel et communautaire, le passage n’y fait guère face. Car autant qu’il affiche l’émotion d’Élisée, le passage maintient l’appartenance d’Élisée à la communauté prophétique.
En outre, il souligne le partenariat entre Élie et Élisée, partenariat qui n’apparaît pas dans les parties précédentes du livre. D’un endroit à l’autre, le texte indique qu’ils voyagent ensemble en utilisant les formes verbales du troisième masculin pluriel. Lorsqu’ils se rendent en Jordanie, le texte insiste sur leur association (« deux d’entre eux », verset 6). Cet accent se poursuit lorsqu’ils se trouvent sur les rives du fleuve et lorsqu’ils le traversent (versets 7-8). Le récit de leur séparation n’apparaît guère comme une déchirure dans leur relation, puisque ce qui sépare ce couple est ce qui les unit en tant que prophètes. Les chevaux et les chars de feu les séparent mais permettent en même temps le transfert de l’esprit d’Élie à Élisée.
Plutôt qu’une disjonction dans la communauté prophétique, cette séparation reflète une continuité. Ironiquement, quand Elisée déchire son vêtement en deux, au lieu de plusieurs morceaux, cette action peut représenter une reconnaissance de l’unité de l’individualité dans la communauté prophétique. Au fur et à mesure que le récit se poursuit, Elisée manifeste l’esprit d’Elisée comme l’authentifie sa capacité à séparer les eaux et l’assentiment de la guilde prophétique (versets 13-15).
Si l’intérêt fluctuant du passage entre Elie et Elisée peut intéresser les prédicateurs, la communauté prophétique se pose comme un personnage majeur du passage et offre des possibilités de réflexions sur la nature communautaire du ministère. Les transitions, la stabilité et la continuité de l’office prophétique contrastent avec une grande partie de l’image de l’autonomie de ce qui constitue un « ministère réussi ». Les inquiétudes d’Élisée et la solidité d’Élie présentent un espace pour parler du mentorat et des transitions d’une génération à l’autre.
Laisser un commentaire